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Régis Estace : galeriste émergent

 

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l’émergence d’un galeriste

 

Ce fou d’art contemporain a toujours rêvé d’avoir sa propre galerie, mais le chemin fut sinueux :

économie à Caen, histoire de l’art à la Sorbonne… puis l’audiovisuel : dix ans de production qui lui permettront d’assister Ondy Timoner dans un documentaire au Mali ; break d’un an à Londres puis création d’un label de livres-disques à Paris.
Au lendemain de la faillite de Lehman Brothers en 2008, Régis Estace crée sa galerie ; sans collectionneur et avec juste trois relations professionnelles, mais pourvu d’un moral de passionné… un futur galeriste était né : bonne chance !

Entretien avec Régis Estace, fondateur de la Galerie Estace dans le Marais et Beaubourg
(entretien été 2010
mise à jour 2014 )

 

 

> Almanart : vos artistes sont des gens de votre âge, dirait-on ?
Régis Estace : oui, on se comprend mieux quand on a un terreau commun ! Si nous avons grandi dans la menace de la bombe dans les années 70, nos références sont aussi l’essor du graffitisme, le clonage génétique, le début de l’art informatique, les BD d’anticipation et la naissance d’internet… pour notre génération la lune était destination acquise, la réalité commençait à rejoindre le rêve et en même temps une forme d’angoisse a accompagné ces progrès. Notre regard quant à l’évolution actuelle de la société a aussi des conséquences ; l’uniformisation qui découle de la mondialisation nous inquiète...

Cela conditionne forcément une certaine esthétique (NDLR : c’est aussi une époque où le débat figuration-abstraction était dépassé). C’est important de comprendre ce que fait un artiste de cette génération, pour bien l’expliquer aux amateurs

> At : et quels sont les critères qui conditionnent votre choix d’artistes ?
> RE :
je choisis ce qui me plait, ce qui me procure une émotion ; une oeuvre qui me choque, devient obsédante au point de vouloir rencontrer l’artiste et découvrir le reste de son travail ; je ne fais jamais de choix selon mes clients mais selon ce qui me touche. Et c’est précieux pour eux car je peux leur communiquer ma passion.

Ce peux être l’effet du hasard. Par exemple j’ai vu un jour à Londres, à travers la vitre d’un ascenseur du Royal Academy of Art, un immense tableau qui m’a immédiatement fasciné… c’était "Source" de Peirce. Ce fut le cas avec Popay et certains artistes qu’il m’avait recommandés (Kros, Raoul Sinier), ainsi qu’un gorille de 3x3 m de Julien Colombier au Festival de graffiti de Bagnolet, et avec une peinture organique de Caminade à la Générale, et encore avec un bronze de Jean Faucheur dans l’allée de la Forge.
Si le reste de la production me surprend et si la rencontre avec l’artiste produit du sens alors je peux lui proposer de le défendre à travers la galerie.

Quand j’ai rencontré Peirce en 2005, on a discuté toute une nuit : le lien était fait. Il faut aussi une grande confiance mutuelle : en 2008, à la veille de Slick, je suis allé le voir à Londres avec un camion et suis reparti avec des dizaines d’oeuvres, grands formats et dessins, sans même signer un document.

> At : il est rare de voir une galerie ouvrir et la même année faire une foire !
> RE :
personne ne me connaissait ni connaissait mes artistes : il fallait me faire connaître et Mrs Griesmar et Tamer m’ont fait confiance pour Slick 08. J’ai réuni quatre peintres aux médiums et aux backgrounds très différents mais dont les oeuvres montraient des cohérences indéniables. L’idée était de présenter une peinture figurative alternative à travers cette thématique que j’ai appelée Organic qui s’est imposée comme la ligne principale de la galerie.
Si à Slick j’ai peu vendu, les collectionneurs sont peu à peu revenus à la galerie, m’ont recommandé à leurs amis et finalement la foire a été très bénéfique. C’était donc un bon pari.

Mais je ne propose pas que des tableaux, par exemple Jean Faucheur fait aussi des sculptures, et des dessins que j’ai présentés à Dessins 2010 (1ère édition, en avril).

 

 

 

 

> At  : tous nos voeux vous accompagnent, Régis !

> At : vous parlez donc de cette thématique organique, ou plutôt Organic comme vous l’écrivez…
> RE :
on pourrait définir cette ligne en reprenant le texte que j’avais écrit pour la première exposition Organic : "un art de l’infiniment petit et de l’infiniment grand, de la répétition et de l’enchevêtrement ; un art qui a presque rejoint les comics et autres BD d’anticipation que nous lisions enfant ; un art bouleversé par l’informatique, la génétique, la globalisation ; un art alchimique aux frontières du figuratif et de l’abstrait, où l’on ressent un futur qui s’effraie en même temps qu’il espère" !

C’est un art qui semble familier mais qu’on ne peut pas identifier, d’où sa part de mystère. On pourrait parler d’agrégats, d’éléments inanimés et indépendants ; l’identité de ces éléments se "fossilisant" dans l’identité d’un ensemble plus vaste ; en même temps, l’ensemble dépasse la simple somme des éléments. Ils montrent une matière vivante, familière et pourtant impossible à identifier. On peut faire des liens avec le surréalisme, avec le psychédélisme, avec Bacon, avec Dado, ou encore Moebius...


Oeuvres de la ligne organique (clic=zoom) :

 
Stephen Peirce, Twisted, 2007, huile sur aluminium, 200 x 170
 
Kros, ST, 2008, huile, 92x203 (extrait)
 
Germain Caminade, Mouvement Immobile, 2010, huile, 100x130 (extrait)
 
François Martinache, Comme dans les tableaux..., 2011, oeuvre numérique, 180 x 120

 

> At : les débuts d’une galerie sont difficiles... combien de temps pour la rentabilité ?
> RE :
les dénuts ont été difficiles, toutefois j’ai tenu et j’ai entamé ma troisième année en octobre 2010, ce qui prouve qu’il y a un intérêt pour la programmation de la galerie. Ainsi lors de l’exposition solo de Peirce en décembre 2009, tout s’est vendu, dont 3 grandes pièces ; la foire Dessins 2010 a été un succès ; la première exposition de Germain Caminade, elle aussi, a reçu un excellent accueil.

Le fait que je défende mes artistes sur le long terme commence à payer : je peux désormais compter sur un ensemble de collectionneurs qui suivent et soutiennent la galerie ; ils souhaitent comme moi découvrir des artistes qui vont peut-être contribuer à faire évoluer l’histoire de l’art. Si c’est d’abord la passion qui les anime, ils jugent aussi, bien sûr, que certaines oeuvres que je vends actuellement entre 2’000 et 20’000 € vaudront beaucoup plus un jour.

Je sais que l’on commence à parler de la galerie, de sa ligne, de l’alternative qu’elle représente. Je vais continuer à travailler, à chercher des talents singuliers, uniques.

 

 

depuis en 2014, Régis Estace aura fait du chemin :
> après une première petite galerie rue Charlot, il a aménagé en grand dans la rue Beaubourg, puis dans la rue Amelot en faisant un partenariat avec une grande galerie de Leipzig
> parmi les jeunes artistes qu’il a eu l’audace de montrer, grâce à lui : Stephen Peirce a intégré une très grande collection allemande et Thomas Agrinier intègre trois collections prestigieuses.

 



 

 

 

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