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entretien avec Gaël Charbau, Commissaire d’expositions

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Capès d’esthétique et histoire de l’art à Lille et professeur 6 ans, il sort bravement de la fonction publique pour l’indépendance ; féru d’écriture il créer la fameuse et regrettée revue Particule, qu’il migre en 2011 en agence d’art et d’édition et devient aussi commissaire d’expositions indépendant

Entretien avec Gaël Charbau, Commissaire d’expositions

(entretien 2013)

 

 

 

> Almanart : quelles sont vos actions marquantes de commissariat ?
Gaël Charbau : citons parmi mes dernières : Rituels à la Fondation Ricard en 2011, Les prises d’autonomie de Neïl Beloufa, avec Daria de Beauvais, L’arbre de vie au Collège des Bernardins avec Alain Berland (fin 2012), The French Haunted House (mars 2013) où je montre la jeune scène française à Séoul, sur invitation de l’Institut Français, Condensation en juin 2013 au Palais de Tokyo où de jeunes artistes travaillent avec des artisans d’art...

> At : quelle est votre philosophie sur le rôle du commissaire ?
> GC :
échapper à un certain formalisme, éviter de de faire des exposés qui sont ensuite illustrés par des images que sont les oeuvres ; j’essaye d’inverser la démarche : l’art doit être d’abord vu et vécu, l’explication étant un complément, cela permet de l’ouvrir au public, ne pas le réserver aux gens du sérail ; c’est excitant de relever le défi de montrer des artistes confidentiels ou pointus à un large public.
La concurrence à l’art plastique est immense : cinéma, internet, télé… il faut donc le désenclaver, exploiter toutes les ressources scénographiques, notamment les lumières, pour créer un environnement propice à la réception des œuvres d’art ; il faut arracher les spectateurs à leur quotidien

> At : comment devient-on commissaire ?
> GC :
ma génération comme celle d’avant s’est beaucoup formée sur le tas, notamment par la critique d’art, ce qui créer de nombreux contacts, un réseau déterminant ; la génération suivante aura eu des formations aux métiers de l’art, par exemple à la Sorbonne, car c’est devenu un métier qui va au-delà de celui de choisir des artistes pour une exposition

> At : et quel est donc ce travail du commissaire actuel ?
> GC :
il est à la fois pratique et artistique :
par rapport à un thème que le commissaire propose ou qui lui est soumis, il faut choisir les artistes et les oeuvres, les faire venir et les présenter, développer le thème, se mettre d’accord sur les écrits et bien entendu savoir communiquer…
il faut diriger des équipes, les emmener dans une direction, savoir projeter un budget, respecter un planning, gérer de nombreuses susceptibilités...
il faut aussi avoir des qualités de scénographe, s’adapter à des montagnes de problèmes techniques et pratiques (exemple : des contraintes opérationnelles d’une salle d’événements).
Bref, le commissaire est un "entrepreneur de lui-même" (Eric Hazan), un chef d’orchestre qui doit choisir, décider, gérer, architecturer et... accepter de passer au second plan lorsque les artistes ont du succès !

 

 

> At  : merci de votre enthousiasme et bonne continuation !

> At : comment trouvez-vous les artistes ?
> GC :
par des rencontres d’artistes présentés ou recommandés par d’autres ou que je connais déjà, ou par d’autres commissaires et expositions qui m’inspirent, ou par internet qui est devenu une source de connaissance... comme je m’occupe de la direction éditoriale du Salon de Montrouge depuis que Stéphane Corréard en est le commissaire, je découvre le travail de jeunes artistes français tous les ans...
D’autres collègues privilégient la recherche sur internet ou font des visites d’atelier

> At : et il y a aussi des commandes de commissariat...
> GC :
oui il y a des appels d’offres ou des commandes, mais personnellement je n’ai pas encore candidaté, pour moi le réseau de relations est primordial

> At : c’est une activité très prenante, alors peut-on vraiment en vivre ?
> GC :
difficilement du moins au début, c’est souvent une activité mixte sauf si on peut déboucher sur un emploi dans une institution ce qui est rare ; monter une exposition est très long (plusieurs mois voire une année), demande beaucoup de travail et n’est en soi pas suffisamment rémunérateur, surtout en France où les lieux qui peuvent payer un commissaire sont limité.
D’où l’intérêt de parler anglais pour accéder à l’international : il y a une forte concurrence internationale, le passage à l’étranger est indispensable dans notre monde ouvert

> At : l’économie européenne, notamment française, est en stagflation depuis 10 ans, selon l’économiste Daniel Cohen ; cela influence-t-il vos choix intellectuels ?
> GC :
ma génération vit dans un climat d’échec de l’idée de progrès, surtout social et intellectuel ; le cynisme ambiant est très influent, le pouvoir de l’argent reste au cœur de nos préoccupations. Pour moi ces questions fondamentales : amour, pouvoir, mort ou en d’autres mots : désir, situation sociale, éternelle jeunesse restent les choses qui nous occupent toujours.
L’art permet parfois, par sa portée intellectuelle et esthétique, de nous extraire de cette redondance cyclique, de nous élever ; l’art nous fait réfléchir différemment, avec nos sens ; il nous permet de nous rendre compte que le corps connaît le monde simultanément avec l’esprit.

> At : en conclusion, quels conseils donnez-vous aux jeunes tentés par l’activité de commissaire ?
> GC :
être passionné, avoir de la curiosité, être gourmand, avoir une certaine culture générale et une vraie connaissance de l’histoire de l’art et bien sûr être ouvert à tout.
Avoir envie de transmettre quelque chose à quelqu’un, cette question de la transmission est au cœur du travail : à quel autre nous adressons-nous ? Cette question, et les différentes réponses que nous apportons crée, je crois, une véritable différence entre des personnes d’une même valeur.
Et concrètement il faut savoir triompher des toutes les problématiques !

 


 

 

 

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