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Almanart : votre pratique de la scène internationale, votre expérience professorale vous éclairent-elles sur le regard du grand public sur l’art contemporain ?
JMB : question complexe, même avec presque 30 ans d’activité derrière moi ! Les choses ont en effet évolué : l’art était un ghetto lorsque j’ai commencé, tout se jouait entre 6 pays (Allemagne, Etats Unis, Italie, Angleterre, France, Espagne) ; maintenant l’art contemporain est populaire, visible de tous ; mais je remarque qu’il jouit plus d’un effet de mode que d’un intérêt en profondeur, de la part de gens qui regardent l’art avec une vraie culture ; il y a donc encore à faire...
At : la question serait-elle moins de séduire le public que de l’éduquer ?
JMB : oui, car la diffusion de l’art est en réalité difficile ; s’il y a beaucoup de gens qui s’intéressent à l’art, il y en a toujours aussi peu qui le connaissent ; je dirais même : la visibilité des bons artistes n’est pas plus grande qu’avant, elle est moindre !
Pourquoi ? Probablement du fait de la mondialisation : on se trouve aujourd’hui avec une prolifération d’artistes, avec l’impression que beaucoup est bon, que tout est possible car les limites se déplacent ; c’est intéressant mais alors on perd ses repères : à gagner sur des choses, on perd sur d’autres...
At : la transversalité facilite-t-elle ou rend-elle plus difficile l’approche de l’art contemporain par les gens de culture classique ou autres (musicale, littéraire...) qui ont des points de repères ?
JMB : je ne sais pas encore... rappelez-vous lorsque le Palais de Tokyo a ouvert en janvier 2002, les gens sérieux disaient "mais ce ne sont pas des expositions d’art" ; maintenant il a un vrai public mais s’est greffé un phénomène de mode pour cet art, qui pourrait se retourner ; alors il est encore difficile de juger s’il y a un véritable intérêt pour lui.
(ndlr : côté PdT à l’époque de Marc-Olivier Wahler ( 2006-2012), l’amusant et le distrayant ont outrageusement pris le pas ; Jean de Loisy, actuel Président, a recentré sur la qualité artistique)
At : l’art contemporain n’est-il, en fait, pas destiné au grand public ?
JMB : je suis ravi de voir de plus en plus de gens dans les musées et galeries mais je crains que, malheureusement, l’art "sérieux" ne s’adresse pas à un public très large, et que les gens qui l’achètent (cet art sérieux) ne soient pas vraiment plus nombreux qu’avant
At : les artistes sont-ils aussi coupables du faible développement de l’art français à l’étranger ?
JMB : si je me place au niveau du créateur, il y a des phénomènes pervers ; on sait que des artistes qui marchent bien en France ne sont pas encore assez connus à l’étranger ; mais si vous êtes connu à l’étranger, on vous reconnaît dans le vôtre (je n’aurais jamais eu le pavillon français à Venise si je n’avais pas été représenté par une très bonne galerie aux Etats-Unis) ; or encore peu de Français ont un marché à l’étranger : la faute à qui ? C’est malgré tout aussi la faute aux artistes, et il y a des pays où ils savent mieux se défendre qu’en France !
Car un artiste doit savoir défendre son travail ; ça passe (aussi) par la maîtrise de l’anglais, comme je le dis et redis à mes élèves des Beaux-Arts. Comme leur dire que tout va très vite au niveau de la consommation des artistes car il est rare qu’une galerie suive le même artiste longtemps ; donc ils doivent se battre !
(ndlr : c’est encore plus vrai en crise économique)
At : dans ce contexte, comment voyez vous les rapports en France entre les artistes et les institutions ?
JMB : malheureusement en France il y a toujours ce fond... je dirais républicain et soixante-huitard, où l’argent fait peur ; alors les relations entre les institutions et les galeries sont frileuses, les conservateurs n’aiment pas le marché (ndlr : les réticences de certains sur le Louvre d’Abu Dhabi le montrent bien...), les galeries, l’argent, ces diables...
At : merci de ce point de vue réaliste !
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