tapez un ou deux mots :

la couleur blanche

 

le blanc

 

A-t’on jamais été plus exigeant avec une couleur ? le blanc ne fait rien comme les autres : il n’apparaît pas dans la gamme chromatique car il réfléchit la lumière alors que les autres couleurs la filtrent ; il la disperse par réfraction pour nous émerveiller de toutes les autres (par un arc-en-ciel) ; d’ailleurs le support du papier d’imprimerie en a fait une "non couleur".
Pourtant, la couleur blanche est riche : elle peut être brillante ou mate, légère ou saturée, lumineuse ou terne, et dans la nature le blanc est seul à se présenter uni et pur sous forme de neige. C’est cette richesse, sa difficulté particulière, qui a tenté de nombreux artistes.
une étude de Claude Léger
  Kasimir Malevitch Carré blanc
Kasimir Malevitch :
Carré blanc, 1918, 80x8

 

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focus : la couleur blanche en art, blanc et symbole du blanc, la peinture blanche

 

l’aube du terme :

  Sol Lewitt  

le blanc est un mot clair, issu du terme germanique "blank" qui signifie brillant, clair, pâle. La racine indo-européenne, probablement transmise par les soldats germains, est passée directement dans le domaine gallo-romain (ancien provençal et latin médiéval) en désignant toujours ce qui est clair ou produisant une expression visuelle de clarté neutre.

Cette notion de pâleur, de neutralité, se retrouve dans des expressions courantes ou le blanc vient en comparaison avec d’autres couleurs : viande blanche par opposition à la rouge, pain blanc contre pain noir... chauffer jusqu’à devenir incolore, c’est chauffer à blanc, quant au gibier il est saigné à blanc...


Sol Lewitt, au Walker Art Center de Minneapolis
(courtoisie Walker Art Center)

 

 

 

le blanc éclaire l’art :

 
> en dessin :

la craie, disponible directement dans la nature, a été utilisée sèche, humide ou pâteuse, depuis les temps préhistoriques : les dessins des grottes et des cavernes en témoignent.
De plus dans les sociétés anciennes, les pigments blancs issus de craies étaient utilisés pour colorer les supports d’écriture ou d’enluminures, supports qui restaient dans la couleur de la matière qui les composait telle que marron pour le bois, écru pour les étoffes, gris pour la pierre, jusqu’au moment où l’invention du papier blanc nécessita l’inversion des couleurs du dessin, qui devint notamment noir sur fond blanc.
Mais la craie a tout de même traversé les siècles jusqu’à nos écoles !
Il est très courant dès la Renaissance de souligner un dessin au fusain ou au crayon, d’un trait blanc (ou sanguin) afin de donner une nuance de contraste, un éclairage qui accentue une ombre.

> en peinture :

Dans les fresques antiques, la couleur blanche était avant tout utilisée comme apprêt, par exemple pour faire un fond uniforme ; cela perdure puisque les toiles sont toujours vendues ainsi préparées.

Utilisé comme ingrédient, la grande qualité du blanc réside dans sa faculté à mettre en valeur ou faire varier l’intensité d’une couleur ; mélangé à une autre couleur il lui donnera plus ou moins d’intensité selon que sa proportion sera plus ou moins grande. Avec le noir, son extrême, il va créer toutes les nuances de gris ; avec le rouge, toutes les nuances de rose, du plus vif au plus pâle, et ainsi de suite avec toutes les couleurs.

Le blanc et ses déclinaisons sont aussi utilisés comme teinte à part entière ; par exemple le blanc "cassé" est devenu une nuance qui occupe une place importante, apportant douceur à une couleur qui, pure, aurait trop d’éclat.

Le blanc est une des deux couleurs les plus utilisées (avec le noir) par la facilité et rapidité de réalisation sur une surface grise ou neutre, comme les murs, notamment en writing ; en fait, précise le graffeur Beck : "il s’agit du chrome, par son opacité et sa capacité à recouvrir, l’inverse du blanc, en somme".

Certains artistes s’en sont fait une marque.

  Gérôme Mesnager
Gérôme Mesnager, exposition des artistes des rues aux Blancs Manteaux en 2006 (courtoisie G.Mesnager)

 

> des artistes qui aiment le blanc :

plusieurs artistes ont une prédilection particulière pour le blanc, quelques exemples :


 - Kasimir Malevitch aura créé au début du XXè siècle ses fameux "Carrés", aboutissement de l’abstraction minimaliste qu’il a inventé (avant de revenir plus tard à la figuration), dont le Carrré Blanc sur Fond Blanc : (image en haut de page)

 - Roman Opalka suit depuis 1965 une démarche incroyable où il écrit des nombres croissants sur toiles au fonds blancs, les chiffres devenant de plus en plus blancs ; avant sa mort en 2010, il était devenu difficile de les distinguer ; il explique son geste extraordinaire

  - Sol Lewitt réalise traditionnellement en pastique blanc ses sculptures architecturales

  Robert Malaval  

 - Robert Malaval, décédé, n’a pas vu ses sculptures "les Aliments Blancs" présentées au Palais de Tokyo en 2006 en un hommage mémorable

 - Kasimir Malevitch aura créé au début du XXè siècle ses fameux "Carrés", aboutissement de l’abstraction minimaliste qu’il a inventé (avant de revenir plus tard à la figuration), dont le Carrré Blanc sur fond Blanc :
> image en
haut de page

 

 

Robert Malaval
(courtoisie gal.Cueto)

En fait tous les plasticiens auront été une fois fascinés par cette couleur chargée de symboles ; Kandinsky note dans son livre "du spirituel dans l’art" : "le blanc agit sur notre âme comme le silence absolu".

 

une symbolique lumineuse :

 
la blanche lumière qui vient d’en haut et nous aveugle de sa puissance, représente d’abord le Divin, celui que l’on ne voit pas parce que cette lumière solaire blanche se disperse par réfraction, nous éblouit, et nous ne pouvons regarder une telle intensité "en face" : cette lumière divine nous fait baisser les yeux et adopter une attitude humble. Ainsi dans les anciens tableaux religieux, Dieu et ses messagers descendent-ils du Ciel sous la forme d’une lumière aveuglante d’un blanc pur.
Naturellement les souverains qui représentent l’autorité de l’Eglise, donc d’essence divine, adoptent la couleur blanche : les étendards, la fleur de lys, jusqu’au cheval d’Henri IV ainsi passé à l’histoire... Et jusque dans l’au-delà : n’a-t’on jamais vu les fantômes autrement que drapés de drap blanc ? Comme les revenants, les spectres, comme si tout ce qui relève du transcendant, du surnaturel aurait reçu une lumière primordiale blanche.

 

" Ah ! Passer une nuit blanche dans des draps blancs..."

Le blanc est aussi symbole de propreté, la neige suggère la pureté. Il n’était pas envisageable pendant des siècles que le linge qui touche le corps soit autrement que blanc, assimilé à l’immaculé, à la pureté (mais à l’époque le lessivage ne permettait pas de garder d’autres couleurs) ; et si ce mythe de la chemise blanche n’est pas totalement perdu, que dire de la robe blanche de la mariée (de symbolique plus récente), vierge donc pure au sens des valeurs bourgeoises et chrétiennes depuis quelques siècles.
Une grande étendue de neige amortit aussi les bruits et suggère la paix ; sa contemplation apporte la sérénité : le blanc est ici symbole de vide, d’absence, de solitude, de manque ou de plénitude selon les cas. Est-ce la marque d’une absence de caractère, d’un retrait, d’une "non-présence", notions qui rejoignent la "non-couleur" ?

Le blanc, aussi symbole d’une race qui n’est pas si blanche mais plutôt "visage-pâle" ? Surtout signe de reconnaissance s’il en est, chaque période ayant eu ses propres codes de blancheur : pour ne pas être confondus avec les paysans, les nobles se tartinèrent le visage de pâte blanche ; trop blancs les ouvriers ? toute l’élite fonce aux bains de mer pour bronzer ! Et pendant ce temps les asiatiques regardent notre teint comme un spectre et les africains nous trouvent blafards et malades... Un symbole à ne pas s’en vanter !

 

  Jaume Plensa  
sculpture de Jaume Plensa, de la série l’Ame des mots, 2008.
Jaume Plensa est soutenu par la galerie Lelong, Paris ; il a installé une grande sculpture de ce type sur le parvis du Grand Palais, pour la Fiac 2009
(courtoisie gal.Lelong) ... cic=zoom

"quand fond la neige, où va le blanc ?
(William Shakespeare)

 

 

"le blanc est inaccessible, il se révèle, mais est hors d’atteinte"
(Olivier Mérijon, plasticien,
Réflexions sur les Whites, 2007)

 

Olivier Mérijon :
White275
(courtoisie l’artiste)

 

Mais le blanc signifie à la fois sagesse et innocence : la barbe blanche de l’ancien montre sa sagesse ancestrale ; le blanc reste aussi la couleur du deuil, lié à la vieillesse, dans une grande partie du monde ; telle symbolique qui rejoint l’innocence du bébé ou celle de l’innocent devant les hommes : non coupable ? "Blanc comme neige" dit-on, et l’on "montre patte blanche" : ainsi notre vocabulaire est-il imprégné de ces notions qu’on retrouve dans des bien expressions courantes :

  Olivier Mérijon

> une trêve est demandée ? le drapeau blanc est brandi,
> un chèque en blanc reste sans montant,
> un blanc sur la ligne est une absence de voix,
> une voix blanche est presqu’inaudible,
> une balle à blanc reste sans... balle,
> un blanc est aussi un trou de mémoire,
> un blanc dans un texte équivaut à un espace laissé en réserve,
> la toile blanche du peintre aussi, représente un départ pour une nouvelle aventure et...
> ...comme la carte blanche, elle invite à la liberté,
> une nuit blanche reste sans sommeil,
> une blanche en notation musicale se prolonge,
> un pt’it blanc, si, si, c’est depuis le XVIè siècle un verre de vin blanc, donc de couleur pâle, alors que le "blanc de blanc" désigne le vin fait avec du raisin blanc, etc, etc

 

 

 

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