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Restaurer une oeuvre d’art est une action délicate et aussi un acte de sincérité : "j’ai du mal à restaurer des tableaux que je n’aime pas ; il m’arrive d’attendre avant de commencer un travail, comme si ce n’était pas le bon moment, comme un manque d’inspiration !" |
Valérie Grais
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Toute oeuvre a besoin un jour d’être restaurée ; à cause de l’imperceptible travail du temps ou d’un accident ; la noblesse des tableaux anciens, pas plus que des bonnes bouteilles, ne vient de leur encrassage !
Almanart : avez vous fait des études spécifiques de restauration ?
Valérie Grais : je suis diplômée de l’Ecole du Louvre, j’ai suivi des cours de dessin, mais je n’ai pas fait d’étude de restauratrice ; j’ai toutefois travaillé longtemps chez un restaurateur avant de me lancer, c’est un métier qu’on apprenait sur le champs car à l’époque il n’y avait qu’ une petite section à Avignon, sinon il fallait aller en Italie ; maintenant l’IFROA (l’Institut français de restauration des œuvres d’art) dispense cet enseignement à Saint-Denis.
> At : il y a des techniques bien précises ?
V.G. : elles dépendent du type des oeuvres et de leurs supports ; moi je travaille surtout les tableaux à l’huile et les pastels.
Le point de départ dépend de l’état de la pièce, notamment s’il y a des accidents sur la couche picturale, voire la nécessité de réentoiler ou plus souvent remettre la toile sous tension (la retendre sur le chassis) ; s’il y a une écaille il faut la combler par du mastic ; si la peinture est atteinte il faut "refixer" (remettre de la peinture).
Dans tous les cas il faut à certaines étapes nettoyer le tableau ; pour cela il y a plusieurs solvants, nettoyants, selon qu’il a été verni ou pas ; cela dépend aussi du vernis qui a été appliqué et de la qualité de la peinture ; cela va de nettoyants légers ou forts pour enlever le vernis sale qui protège la peinture sans enlever celle-ci, bien sûr ; c’est une question de dosage, de métier.
Je travaille aussi en collaboration avec une restauratrice de papier s’il s’agit d’une oeuvre sur papier déchiré.
Pose d’une pièce sur une toile trouée d’une oeuvre de 1956 de Marcel Loubchansky, vu de devant... ... et vu de dos ; la solidité doit être assurée.
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Plus précisément il y a tout un jeux de mélanges ; il faut faire des essais préalables : on teste souvent dans les blancs ou dans les couleurs claires parce que la saleté se voit sur le coton, tandis qu’avec les couleurs foncées on peut confondre saleté et peinture. Quand les tableaux n’ont pas été vernis, c’est plus compliqué parce qu’on est obligé de nettoyer directement la peinture sans la pénétrer.
Et souvent l’oeuvre a déjà été restaurée, il y a des repeints qu’en général on enlève.
S’il y a un trou, je retouche avec de la peinture ; la retouche correspond précisément à la taille du trou ; il s’agit de la peinture spéciale au vernis, italienne, car elle vieillit mieux en retouche.
> At : vous avez déjà restauré des œuvres importantes, notamment un Van Gogh : n’aviez-vous pas peur ?
V.G. : un peu plus d’appréhension, certes, mais modérée par le fait que tout ce qu’on fait doit être réversible ; si quelqu’un reprend le tableau 50 ans après, il doit pouvoir enlever facilement ce qu’on a fait : vernis, colles, retouches, tout...
Le test de nettoyage de ce tableau de Charles Matton, montre bien la différence de teinte avant/après.
> At : il faut aussi j’imagine faire des devis aux clients : comment se calcule le temps de restauration ?
V.G. : c’est très difficile ! Encore maintenant j’ai du mal à prévoir un temps lié à la difficulté du travail ; notamment c’est malaisé d’évaluer le temps d’un nettoyage, qui peut être très rapide ou prendre un temps démesuré, pour enfin découvrir que le tableau a déjà été restauré... En fait ce n’est pas un métier assez rénumérateur s’il ne se base que sur le seul critère du temps passé.
> At : mais est-ce cher un travail, disons, courant ?
V.G. : l’ordre de grandeur se situe entre 100 et 1000 € HT, selon la taille du tableau et son état.
Valérie pensive devant la restauration nécessaire d’un splendide Wilfredo Lam !
> At : quels sont les types de clients auxquels vous vous adressez ?
V.G. : surtout des marchands et des galeries, plus une petite clientèle privée ; pas les musées car ils ont leurs restaurateurs internes qui doivent passer un concours spécifique.
> At : vous traitez des tableaux anciens et aussi des modernes, avez-vous une préférence ?
V.G. : bien sûr il y a plus d’anciens, mais aussi des modernes et contemporains pour des nettoyages ou de la réparation en cas de choc ou d’accident ; si toutes les époques sont concernées, c’est que la bonne conservation d’un tableau dépend de la qualité de son support et celle de sa préparation : toile et peinture forment une alchimie complexe.
Pose d’un mastic avant retouche
Dans le cas du contemporain il y a parfois des techniques très particulières, de sorte que c’est plutôt amusant, plus facile aussi ; pour les anciens mon intérêt est de découvrir une belle qualité de peinture.
J’ai du mal à restaurer des tableaux que je n’aime pas, qu’ils soient anciens ou contemporains ; il m’arrive d’attendre avant de commencer un travail de restauration, comme si ce n’était pas le bon moment, comme un manque d’inspiration, mais un jour ça y est, je démarre !
> At : comment est née votre passion ?
V.D. : j’ai grandi dans une famille qui aimait l’art, mon père achetait des œuvres contemporaines ; tout en faisant mes études d’Histoire de l’Art je travaillais chez un restaurateur.
Un tableau du XIXè en voie de retrouver sa splendeur.
> At : pour conclure, que diriez-vous des qualités indispensables à un bon restaurateur ?
V.G. : il faut être très précis, patient, avoir du temps devant soi pour rentrer vraiment dans l’esprit de la peinture.
> At : merci Valérie, de vos révélations !
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tableau en vente chez les Atamanes
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