le noir |
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Kasimir Malevitch, Carré noir 1914, 80x80 |
> sommaire couleurs |
l’aube du terme : |
artiste franco-suisse proche de Fluxus, Ben a tôt entrepris de peindre en blanc sur des écriteaux noirs (comme les tableaux noirs de nos enfances) des vérités ou observations souvent cocasses, parfois au sein d’installations ; il entretien un site ludique et évolutif montrant tous les aspects de son art. (courtoisie Ben) |
> en dessin :
Seurat, crayon conté ; musée d’Orsay (courtoisie) |
Puis ce fut le graphite (du grec "graphein" qui signifie écrire), une variété naturelle du carbone, qui a supplanté le plomb ; le graphite présente les mêmes facilités et souplesse d’utilisation que la mine de plomb sans en avoir la nocivité ; il peut être utilisé en crayon (souple et friable, il faut le contenir) ou en batons sculptés (arrondis ou en aplats), et bien sûr en poudre comme un pigment ou un pastel ; en mélangeant le graphite à une essence (il ne se dilue pas dans l’eau) on obtient un produit qui, selon sa consistance, autorise un travail qui ressemble en tous points à celui de l’encre, du lavis ou.... du crayon par brossage à sec.
> en encre : l’encre nécessaire à la fois au calligraphe, au peintre et à l’estampeur, a joué un rôle important dans le développement de la couleur noire. calligraphie chinoise traditionnelle |
> en photo :
si techniquement le noir & blanc (après le cépia) était inévitable, la couleur devenue courante n’a pas pour autant découragé nombre de photographes contemporains qui y trouvent (nous aussi) un charme particulier, une capacité à révéler des atmosphères que la couleur ne peut rendre par surcharge informative et par proximité du réel ; si la couleur numérique peut être aisément traitée par informatique, le négatif noir & blanc est tout aussi traitable, au moment du tirage, directement par le photographe qui y voit un moyen de manipulation artistique complémentaire à la prise de vue. Ainsi la photo argentique noir & blanc reste une démarche différente et parallèle à la photo numérique informatisée ; ellle reste un moyen privilégié pour travailler les ombres, comme le font si bien Alexandre Rodtchenko ou Rasi qui privilégie l’ombre et l’obscur ("le sujet de mes photos c’est la disparition de la lumière..." [entretien avec Michèle Baj-Stroble, 2007]).
Le poids du noir cache quelques touches de couleurs : souvent les tableaux "noirs" ne se découvrent que sous des angles ou des éclairages différents |
> en peinture : pendant longtemps il a été difficile de fabriquer un noir qui soit stable, ainsi les tableaux peints à partir d’un noir de fumée ou de goudron (voir l’encart) se dégradent ; on pouvait obtenir de meilleurs résultats avec des pigments issus de l’ivoire calciné, qui donnent un noir magnifique, mais à un prix exhorbitant lié à la rareté de l’ivoire ; ceci explique que jusqu’au Moyen Age on trouve peu de grandes surfaces noires en peinture.
<< Pascal Maljette, ST, huile, 2006 ... clic = zoom |
Désormais la couleur noire est devenue la plus utilisée parce que très couvrante, économique par le nombre de procédés de fabrication, dont les catégories peuvent ainsi se classer :
> animale : noir d’ivoire, d’os, de bois d’animaux
> végétale : noir de fumée, de campêche, de vigne, de suie, de noix, de fusain
> minérale : vase, khôl, bitume, poudre de plomb, goudron
> chimique : noir de mars, de fer (oxydes chauffés à l’huile ou au goudron), de carbone...
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> Kasimir Malevitch aura créé au début du XXè siècle ses fameux "Carrés", aboutissement de l’abstraction minimaliste qu’il a inventé (avant d’être forcé par les Soviets de revenir à la figuration), dont le Carrré Noir sur Fond Blanc (image en haut de page)
Les premiers emplois abstraits du noir remontent au 12è siècle où il qualifie ce qui est méchant, mauvais, mal et par association : la nuit, la peur, la mélancolie, la tristesse, l’austérité, le deuil, le malheur, la mort… "Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir" : tout le contraire du blanc !
Valérie Belin, 2000, argentique ; |
> de l’autorité et rigueur.. en occident il y a le noir de la tempérance qui fut porté par les moines et imposé par la Réforme comme la soutane le fut aux curés ; il y a celui de l’autorité (le sabre s’est souvent marié avec le goupillon), de la rigueur : habit noir des gendarmes, des juges, des arbitres, des garçons de café et des costumes des hommes sérieux... L’homme en noir impose le respect ou la peur
> ...à la moralité : depuis les austères réformateurs du XVIè siècle jusqu’à nos patrons d’industrie, il n’est pas convenable de se faire remarquer par des couleurs vives ; il est de bon ton pour un honnête citoyen de rester discret ; le puritain Henri Ford refusa longtemps de vendre des voitures autres que noires au mépris de la demande ! En est-on vraiment libéré, alors que les costumes masculins et nos tenues de cérémonie dérogent peu à cette règle ?
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C’est ce même symbole social qui a longtemps privé nos objets familiers de couleurs plus ludiques ou plus gaies ; pour être sérieusement considéré, un objet devait avoir une couleur neutre : blanc pour la cuisine, brun pour le bureau ; il semble même que le cinéma couleur aurait pu être commercialisé plus tôt s’il n’y avait eu ce frein moralisateur.
> le méchant ou néfaste :
"devenir la bête noire" de quelqu’un peut engendrer une colère... noire ; le drapeau noir des pirates signifie la mort, repris plus tard par les anarchistes ; avoir une âme noire n’est pas très engageant non plus mais, paradoxe, les romans noirs ou l’humour noir vous éviteront peut-être de "broyer du noir".
> la tristesse et le malheur :
le noir est associé à la Terre, à l’Enfer, au monde souterrain, et naturellement fut la couleur du deuil dès le 14è siècle dans les sociétés occidentales puisque chez nous le corps retourne à la terre : le noir est donc présent aux funérailles par opposition aux asiatiques où la mort transforme en "corps glorieux" qui s’élève vers l’innocence et l’immaculé, alors le deuil se porte en blanc.
> la suspicion ou la clandestinité :
associé à la Terre, il l’est donc au monde souterrain : ainsi les messes noires et la magie noire ; notre vocabulaire reste imprégné de tous les sens que peut avoir le qualificatif de noir dans cette acceptation : une caisse noire, une liste noire, le marché noir pendant la guerre et le travail au noir bien actuel ; "noircir le tableau" quand on fait la description d’une situation n’est pas le fait de sa couleur mais bien de dénigrer ou aggraver avec une connotation négative.
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