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le design des années 70

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focus : histoire de l’art et histoire du design modernes et des arts décoratifs dans les années 70, 1970 "peace and love"
étude menée par Claude Léger / toutes images : clic = zoom

 

1970, le design "flower power"

 

La contestation développée dans les années 60’s, pousse les années 70 dans le soft ; les dernières guerres coloniales ont développé les mouvement Peace and Love. Alors décoration, meubles et design, comme tous les arts et métiers, adoptent le confort doux : sièges moelleux, poufs entourés de douces volutes pop dans un dernier délire coloré inspiré par la nature.
L’année charnière sera 1968, puis l’année érotique chantée par Gainsbourg ; en fait les créations diffusées dans les 70’s ont souvent été créées en fin des 60’s.
Cette photo de mode résume bien l’esprit des 70’s : femme libérée sexy (mini-jupe et collant), couleurs, provocation envers la société conservatrice (et trottoirs des Champs Elysées envahis de voitures)
 

Alice Springs Dépêche Mode

 
Alice Springs pour Dépêche Mode de 1971
exposition à la MEP en 2012 / clic=zoom

 

les fruits de la révolution 68 en Europe

  André Berg Mademoiselle Age Tendre  

dans tout l’occident la jeunesse issue du baby boom rejette le carcan d’une société de consommation formatée, ainsi que la guerre du Vietnam : les hippies "peace and love" prônent un nouvel art de vivre dans des arabesques hallucinogènes.

Le design retrouve alors les courbes douces de l’art nouveau mais rehaussées de couleurs pétantes ; le pop art omniprésent dans l’art et la décoration, s’incruste dans la mode, orne les pochettes de disques et influence la publicité : c’est le design Flower Power !

 

 

<< André Berg, couverture de Mademoiselle Age Tendre,
1967 (courtoisie Archives Filipacchi)

 

Les projets les plus fous répondent à ce nouvel art de vivre : on s’écroule devant la télé sur des coussins posés partout ou des canapés en mousse, les placards s’incrustent dans les murs, des containers deviennent espace à vivre, le siège devient Bubble par Eero Amio ou chauffeuse par Olivier Mourgue, ou encore gonflable par Aubert ou Quasar Khanh, réédité par Branex.

  Sacco  

Reflet de la folle libération des corps et des comportements : le Sacco. Ce n’est pas un siège mais un sac en forme de poire où l’on s’affale en écoutant Jimmy Hendrix ou Jim Morrison !

Cet objet sans structure vient d’une longue maturation : d’abord ses trois concepteurs turinois (Gatti, Paolini et Teodoro) le remplissent d’eau (trop lourd), puis de balles de ping-pong (aïe les fesses), enfin y fourrent quelques millions de billes de polystyrène (ouf !) et l’industrialisent vers 1969… il devient un objet mythique des années relax.

 

<< Gatti, Paolini et Teodoro, siège Sacco, 1968

 

le design s’envoie en l’air

la conquête spatiale qui fait fureur emprunte aux designers : en 1968 l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick, monument du cinéma, consacre les sièges Djinn de Olivier Mourgue, édités par Airborne.

Les designers sont invités à concevoir des habitats avec "plans, couleurs, éclairages, niveau sonore et tous éléments relatifs au confort de l’homme dans un espace confiné" cahier des charges de la NASA à Raymond Loewy, Recherches 1967-1972.

 

siège série Djinn de Olivier Mourgue, 1965 (courtoisie Airborne)>>
  Djinn Olivier Mourgue

Même le hippie dans sa roulotte gitane, se targue d’expérimenter des matériaux nouveaux jusqu’à construire un home en polyuréthane et tenter d’utopiques économies d’énergie, déjà !

 

de belles histoires de sièges !

ces rêves se distinguent à l’exposition universelle d’Osaka de 1970 où les Japonais vont autant apprendre du monde que celui-ci va les découvrir.

Il en sortira par exemple en 1972 l’élégantissime Marylin Chair de Arata Isozaki, qu’une célèbre chute de reins a visiblement inspiré.

 

Marylin Chair de Arata Isozaki, 1967 >>
  Marylin Chair Arata Isozaki
  film Emmanuelle
 
affiche du film Emmanuelle, 1974
 

Mieux : en 1974 Emmanuelle reçoit à poil dans son fauteuil d’osier, exotique à souhait ; "le" film érotique français de Just Jaeckin d’après le roman d’Emmanuelle Arsan, verra 9 millions d’entrées en France et 50 millions dans le monde, symbole universel du "sea, sex and love" !

Autre conte de sièges : la belle rencontre de celui de Brigitte Bardot et du tabouret Tam-Tam !

Créé en 1967 par Henry Massonnet, patron d’une entreprise de matériel de pêche, ce siège léger et démontable pour pécheur devient une icône : quel enfant des années 70 ne s’est pas assis sur un Tam-Tam orange ?

 

TamTam réédité par Branex design

il est toujours là, revisité par Maurice Renomma ou transformé en station d’i-pod !

 

le marqueur automobile

> rappel : nous avons pris à partir des années 60, l’automobile comme un marqueur de style.

En Europe, l’auto fait l’objet de créativité (Renault R16...) ; son dessin s’épure enfin, à l’inverse des USA qui tombent dans la surcharge et la prétention. Le "Mini Bus VW" créé dans les 60’s, se voit détourné en une caravane (WW Combi versionT2) qui envahit la terre peuplé d’aliens aux cheveux longs.

  WW Combi 1970   Renault R18 1978   Cadillac Eldorado
WW Combi versionT2, 1970
Renault R18, 1978
Cadillac Eldorado, 1976

 

le graphisme artistique s’impose

le Professeur Choron (Georges Bernier) et sa joyeuse équipe lancent en 1972 l’irrévérencieux Echo des Savanes, après l’Hara Kiri des 60’s, tous débridés et d’un goût volontairement plus bas que la ceinture… choquons le bourgeois !

 

  Jean-Paul Goude Carolina  

L’avènement des campagnes publicitaires lance un nouveau type de métiers : illustrateur, qui devient recherché.

Le franco-américain Jean-Paul Goude dirige à New York le magazine branché Esquire ; ses images extraordinaires sont organisées comme des chorégraphies : espace, image, son ; son talent fait école aurpès de jeunes tels Patrick Arlet, qui vont décaper les covers (couvertures de journaux) et réinventer les techniques typographiques, par exemple avec le mythique nuancier Pantone.

<< Jean-Paul Goude, Carolina, photo traitée et peinte, 1970
( rétrospective au Musée des Arts Décos de Paris, hiver 2011-12)

Ce fut aussi une révolution dans tous les domaines de la culture ; par exemple c’est en 1973 que Jean Dubuffet présente à New York et à Paris son tableau-ballet Coucou Bazar (ou Bal de l’Hourloupe) :

  Jean Dubuffet Coucou Bazar  

> une oeuvre transversale qui lie l’art plastique à la chorégraphie, la scénographie, le théâtre et à la musique expérimentale ; une recherche bien d’époque : faire sortir le tableau de son cadre : "c’est une extension du tableau entre peinture et théâtre, un tableau animé" ; inspirée du Théâtre du Soleil puisque son atelier était aussi à la Cartoucherie de Vincennes, et par les premiers pas sur la lune : la démarche lente des acteurs dans leurs carcan rappelle celle maladroite de ces astronautes

<< Jean Dubuffet, reconstitution de Coucou Bazar (1973) faite au
Musée des Arts-Décoratifs en 2013 (courtoisie Fondation Dubuffet )

Dans tous les pays, les métiers du graphisme, illustration, journalisme créent un nouveau langage : la transmission claire des messages :

  Roman Cieslewicz  

> l’efficacité et la précision sont l’apanage du graphisme de l’école Suisse (les "jansénistes" de la typo) depuis les années 60
> l’école Polonaise, critique et cultivée, efficace mais plus chaleureuse, sacralise l’esthétique du noir et blanc.

Issu d’elle, Roman Cieslewicz, dénommé la "bombe graphique" mais aussi artiste, débarque à Paris ; il invente des mises en page pour Vogue, dirige l’agence Mafia, crée les affiches et catalogues du Centre Pompidou pour les mythiques expositions Maïakowski (1975) , Paris-Berlin (1978), Paris-Moscou (1979) puis Paris-Paris (1981) et Réalismes (1982).

<< Roman Cieslewicz, Superman, 1968
(courtoisie Camels Cohen auction, image non agrandissable)

 

vers un design de masse international

mode et design témoignent tous deux du changement de la société :
> côté cool : l’anti-mode Baba-Cool émerge, inspirée du courant hippy venu des USA, faite de jupes traînantes à volants, de sabots et de cheveux longs
> côté chic, une marée de jeunes stylistes apparait : Sonia Rykiel, Dorothée Bis, Agnès B, Emmanuelle Khan... mais c’est Yves Saint Laurent qui donnera à la mode toute sa liberté dans un style d’élégance, de pureté et de féminité.

L’inévitable Jean-Paul Goude aussi impose son univers graphique dans la mode ; ses photos et publicités fashion feront le tour du monde ; établissant un pont entre New York et Paris, il apporte en France la violence et l’énergie des USA. Car "l’american way of life" influence toujours autant l’Europe, comme modèle de vie de consommation mais aussi comme modèle culturel : musique, cinéma, art plastique, décoration intérieure et extérieure s’y réfèrent ; comme en témoigne le quartier de La Defense à Paris, né dans les 60’s et développé en hauteur dans les 70’s.

Olympiades  Michel Holley

le quartier des Olympiades de Michel Holley, 1974, dans le 13è arrondissement de Paris (quartier chinois)
 

Mieux que le Pop art et l’abstraction lyrique, l’extraordinaire peinture hyperréaliste est un témoin du narcissisime yankee et de la fascination qu’il opère.

 

Richard Estes

Richard Estes, Bus-reflecting, huile, 1972

Si l’architecture haut de gamme explose d’audace -le Centre Pompidou est inauguré en 1977- on y construit aussi des kilomètres de tours et barres d’immeubles désespérément laids... l’envers du décors des 70’s dans toute l’Europe est un développement fébrile dû à la fin de la reconstruction, l’accroissement des populations (baby-boom et émigration) et l’émancipation économique qui en découle.

A l’opposé, l’anti-diluvien bloc communiste reste gelé dans l’obscurantisme Brejnevien (1964-1982) : même de grands artistes contestataires comme Vitalii Komar doivent encore opérer sous l’abri discret du style conventionnel.

 

 

Komar Vitalii & Melamid Aleksander, Portraits their wifes
1972, huile (courtoisie Vitalii Komar) >>
  Komar Vitalii

La Grande Bretagne avec son "Council of industrial design", prône une politique de design industriel qui lui confère un statut de modèle, une adéquation des formes et des fonctions, largement véhiculée par les créations de Peter Murdoch et ses meubles en carton.

Pendant que le "swinging London" s’illustre par une création débridée, le groupe Archigram réunit graphistes et architectes et Terence Conran ouvre son premier flagship Habitat en 1973.

En France la 1ère exposition du CCI (Centre de Création Industrielle) en 1969 "Qu’est ce que le design ?" regroupe le must de la création mondiale : Joe Colombo, Charles Eames, Verner Panton... et consacre la révélation du français Roger Tallon entraînant les Pascal et Olivier Mourgue, Pierre Paulin, Marc Berthier

Le couple Claude et François-Xavier Lalanne développe un style de décoration intérieur à la fois osé et chic, entre design et art plastique, qui entre à l’Elysée et deviendra vite célèbre.

en 1967, Life Magazine publiait cette photo d’un "intérieur parisien" chic,
équipé notamment des fameux sièges-moutons des Lalanne ; typiques aussi
sont les tenues vestimentaires : 3 pièces étriqués, pull col roulé, jupette Tati...
(courtoisie Time & Life Pictures/Getty Images) >>
  1967 Life Magazine

 

Les artistes s’en mêlent : en 1970 est fondé l’Atelier A par Adzak, Arman, César, Raysse, Sanejouand, pour éditer meubles et objets d’artistes.

Et les industriels aussi : la rencontre Philippe Roche, co-fondateur de Roche Bobois, et du designer Hans Hopfer va créer le canapé "cousu matelassé" Mah-jong typique de la "cool generation" et du design de masse ; toujours au catalogue !

C’est aussi le début d’une distinction entre designer et décorateur ; le terme Architecte d’intérieur mettra tout le monde d’accord.

canapé "cousu matelassé" Mah-jong
de Roche & Bobois (courtoisie R&R) >>
  Hans Hopfer

Mais c’est surtout en Italie que le design explose, poussé par le désormais célèbre Salona del mobile di Milano.

 

la prédominance italienne

déjà remarquée par sa célèbre Valentine en 1969, la firme Olivetti développe une dynamique de design qui attire les meilleurs créateurs de la terre et entraîne dans son sillage l’industrie des objets de maison ; une formidable connivence lie entre elles les firmes de production telles Cassina ou autres Fiorucci, moteurs et promoteurs, qui vont créer chacune leur propre style.

  Alessandro Mendini  

Par exemple :
> en 1976 Ettore Sotsass dessine son fauteuil Tapis Volant
> le groupe Alchimia crée par Alessandro Guerriero réunit autour de lui Paola Navone, Alessandro Mendini (fauteuil Proust 1979) et Richard Sapper (lampe Tizio 1972)

 

 

<< Alessandro Mendini, fauteuil Proust en bois peint, 1979
édité par Cappellini (courtoisie Cappellini)

Des revues diffusées dans le monde entier vont relayer cette formidable émulation italienne, dont le toujours célèbre Domus (1977), appuyées par deux expositions majeures :
> Italy, the New domestic landscape au Museum of Modern Art, New York 1972
> 45 ans de Domus au Musée des Arts décoratifs, Paris 1973.

 

Mais ce feu d’artifice s’étiole avec les deux chocs pétroliers de 1973 et de 1979, qui bornent ces insouciantes Trente Glorieuses (1945-1975)... coup de frein sur le pétrole, le plastique est devenu cher !

 

 

  plus d’infos :

> les Années 70 d’Anne Bony (Ed du Regard)
> l’audace de la mode des années 70

 

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