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A travers les regards croisés de 50 plasticiens indiens et français, cette exposition exceptionnelle donne une vue des profondes mutations de la société indienne en 2011, selon 6 thèmes : la politique (fondements de la démocratie, question de la partition, montée de la classe moyenne), de la religion (croyances, spiritualité…), de l’identité (nationale, régionale, linguistique, sexuelle, liée aux castes…), de l’urbanisme (exode rural, essor des mégalopoles), de l’artisanat (traditions ancestrales et modernité, héritage culturel et technologies) ou du foyer (famille, mariage, émancipation féminine, cuisine…).
L’accent a été mis sur des artistes nés dans les 60’s, car ils pu se faire connaitre suite à l’ouverture internationale de l’économie de l’Inde vers 1990.
Innovation : c’est un nouveau type de présentation au Centre Pompidou. Contrairement aux fameuses grandes expos du type Paris-X des années 70 qui étaient rétrospectives, Paris-Delhi-Bombay est prospective et basée sur un dialogue mondial : "cette exposition illustre notre volonté de construire un musée global et, pour cela, la nécessité de travailler en réseau" ; elle a aussi un "objectif de promotion de la scène française, qui est indissociable de l’objectif mondial" [Alain Seban, président du Centre Pompidou]
beau symbole : avant même d’entrer, vous êtes accueilli par ce mur scintillant de l’artiste française Orlan, qui combine les drapeaux indien et français dans une invitation au partage des cultures ; elle témoigne aussi du génie indien qui crée du merveilleux avec des moyens rudimentaires.
Orlan, Draps-peaux hybridés, paillettes miroitantes
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Originalité et esprit didactique : vous pénétrez sur une rotonde qui explique la position de l’Inde dans le monde et rappelle son histoire mouvementée, une façon de mieux comprendre les oeuvres et d’éclairer ce que les artistes veulent interpréter. Cette rotonde distribue judicieusement les entrées aux 6 thèmes de la présentation, disposition reprise ci-dessous. |
malheur, malheur ! cette introduction indispensable est gâtée par un graphisme imbécile qui rend la totalité des textes absolument illisibles : imaginez une écriture blanche sur fond orangé clair... Comment a-t-on pu laisser, sans contrôle, ainsi saboter ce dispositif ? |
évidement un dialogue indien-occident ne pouvait se soustraire de ce thème, sur fond du passé colonial et du traumatisme de la partition de 1947 avec le Pakistan.
face à une démographie inquiétante, une urbanisation en expansion alterne high-tech et bidonvilles...
L’installation de Hema Upadhhyay est impressionnante : imaginez survoler à basse altitude un interminable et inextricable bidonville fait de tous matériaux de récupération, ponctué parfois de vrais immeubles, barrés de quelques rues improbables... L’artiste a accentué l’ impression de piège en doublant ce paysage et le plaçant verticalement, constituant deux immenses murs dans lequel vous êtes obligé de vous insérer
Hema Upadhhyay, née en 1972 à Baroda, vit à Bombay |
l’équation est moins simple qu’il n’y parait : 80% d’indouisme mais divisé en nombreuses sectes, les 20% restants représentent tout de même 200 millions d’âmes (de sorte que l’Inde est le 3è état musulman) ; et si les Silks ne sont que 2%, ils occupent par leur dynamisme la majeure partie de la communauté agricole et indutrielle... La religion : une notion centrale de la vie qui va jusqu’aux troubles sociaux.
il est au centre de la société indienne, depuis le mariage arrangé et son problème de la dot, à l’absence d’éducation sexuelle, en passant par la... cuisine !
Atul Dodiya, Mahalaksmi, 2002
La déesse Mahalakshmi peinte sur les stores des magasins est censée apporter la prospérité, mais ici ce store remonté laisse apparaître le suicide collectif de trois soeurs dont la famille n’a pas pu payer la dot |
Subodh Gupta, Ali-baba, 2011
Les installations d’ustensiles de cuisine de Subodh Gupta sont chez nous très connues mais peu expliquées : cette abondance d’objets fait allusion à l’innombrable population qui les emploie, mais aussi à ceux qui ne mangent pas à leur faim, ces récipients partout présents ne sont pas tous remplis |
ce thème a été choisi non seulement parce qu’il est un fondement de l’économie indienne, mais parce que les artistes indiens l’utilisent beaucoup.
l’oeuvre la plus intéressante est cet instrument de musique de Jean-Michel Othoniel, inspiré par le village de verriers où il a résidé ; ce carillon monumental rend hommage aux formes et aux couleurs des décors indiens. Le compositeur Mauro Lanza a créé une pièce musicale que des percussionnistes indiens interprêtent sur cet instrument.
Jean-Michel Othoniel, ST, 2011, extrait de la vidéo
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ce thème est à notre avis trop réduit aux obsessions occidentales (homosexualité, transsexualité) qui, s’ils existent, ne sont probablement pas au centre des préoccupations d’un sous-continent en explosion économique mais coincé par son système de castes... bizarre, ça n’intéresse pas les artistes ?
Seule vraiment intéressante est cette tradition des Hijras qui remonte à l’époque moghole, reconnue officiellement dans certains états : ces hommes qui adoptent une identité féminine, sont perçus comme un troisième sexe qui peut bénir ou maudire les naissances et les mariages. Tejal Shah explore leurs désirs, ici par cette fastueuse peinture qui traduit le désir du Hijra d’être mère un jour.
Tejal Shah, You too can touch the moon, 2006, photo |
Une autre grande exposition était, presque simultanément, dédiée à l’art indien sur les 2000 mètres carrés du MAC de Lyon, jusqu’au fin juillet 2011.
Notamment ces deux artistes de style assez proche sont des révélations malheureusement absentes à Pompidou :
Hemali Bhuta, Growing, installation dans un cube de 3 mètres de bâtons d’encens, 2009
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Sumakshi Singh, Circumferences Forming, 2011 ; pâte à modeler, résine, environ 5 cm
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Cette exposition non seulement renoue avec les grands événements mythiques du Centre Pompidou, mais aussi innove dans l’appréhension de l’art qui vient d’ailleurs. La mondialisation a rendu la vision occidentale de l’art trop courte pour ne se permettre désormais qu’une vue de l’étranger "exotique" depuis notre tour de guet ; aussi cette approche didactique, accompagnée d’un excellent livre, place-t-elle la production des artistes indiens dans leur contexte socio-économique et leur socle historique, une manière de comprendre l’art indien par l’intérieur.
Sur le plan thématique, nous nous étonnons du manque d’intérêt des artistes pour le système indien des castes, unique au monde à cette échelle, et du peu d’oeuvres évoquant la question de la pureté, qui y est liée ; si le sujet est tabou en Inde, il ne l’est pas ici, alors les artistes français auraient pu, eux, s’en emparer (surtout dans notre pays où tout le monde se gargarise d’égalité...).
Nous ne sommes pas les seuls à le penser : dans le livre d’accompagnement, Sophie Duplaix [co-commissaire] pointe cette question [page 45, paragraphe fondamental malheureusement noyé dans le texte], citons : "le dedans (dont on exige qu’il soit propre) et le dehors (qui peut être sale) sont aussi à envisager dans le cadre d’une philosophie indienne du corps dont la notion centrale est la pureté ; personne ne s’est aventuré sur ce terrain qui touche au problème de la caste, où il est néanmoins question de façon aiguë du regard de l’autre".
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